Surement aidé par l’heure du déjeuner approchant, on passe la frontière ouzbek le vendredi 26 juin, relativement rapidement comparé à la trentaine de camions qui attend dans l’autre sens, à raison d’un camion par heure.
Comme prévu, la chaleur est identique de ce coté. Un plov dans le ventre, un coin d’ombre et on attend patiemment la fraicheur du soir qui ne vient jamais. Par contre, sortie d’une dizaine de camions, l’Ennemi refait son apparition au moment où on ne l’attend pas. On repart donc à la nuit tombée, la panse pleine de légumes farcies, la vessie remplie de thé, la glycémie au taquet et avec une petite nostalgie de la Turquie.
L’entrée en Ouzbékistan est aussi synonyme de fin du désert de Kyzyl Kum. On retrouve des champs, notamment de cotons, des rivières, des villages, des fruits … et des gens qui nous sifflent pour dire bonjour, qui nous crient en Russe « Откуда? » auquel il faut répondre « Франция » dans notre cas, « швейцарский » pour Michael. On arrive le lendemain dans la ville de Boukhara, ville légendaire de la route de la soie. Mais pour nous c’est la ville du déjeuner, de la douche et de la sieste avec clim. Seulement le soir venu, puis les deux jours suivants, on découvre son histoire à travers des monuments, tels que la forteresse Ark, le fameux minaret Kaylan, le Chor Minor et bien d’autres somptueux édifices.
Le mardi 30 juin on reprend la route, sans Michael rejoint par sa famille pour quelques jours. Cette fois ci on se dirige vers une autre ville encore plus évocatrice de merveilles, la légendaire Samarkand. Mais ce n’est pas la porte à coté et le trajet nécessite trois jours de vélo, au même rythme qu’au Turkménistan tant la chaleur est étouffante. Le seul moyen d’échapper aux heures brulantes est de trouver un coin d’ombre et de s’hydrater avec une des nombreuses pastèques vendues sur le bord des routes. Ou bien de s’arrêter dès 10h dans une chaihana de commander shashlik (brochettes de viande), thé et bières pressions puis de s’effondrer lamentablement sur les paillasses qui font office de banc pour manger mais aussi de lit, un concept dont on est supporteur à 100%. Vu qu’on y passe quasiment la journée complète avant de repartir à vélo, les propriétaires sympathisent avec nous assez souvent. En plus d’une glace offerte par ci ou de quelques fruits par là, on a le droit aux questions récurrentes qui semblent hanter les esprits ici. Dans l’ordre : “Откуда ? сколько лет ? жена ? дети ?” Et les réponses dans l’ordre : “Франция, тридцать, Да, нет”. Après un étonnement général et un peu accusateur lorsque le lien entre l’âge et l’absence d’enfant est fait, on a logiquement la suite qui est : « President Chirac» ou bien « Zinedine Zidane ». Dans un cas comme dans l’autre, quelques années de retard difficile à rattraper avec notre russe en dix mots. L’Ouzbékistan fait plus simple : une équipe de foot inconnue et un même et unique président depuis l’indépendance du pays, soit 25 ans, Islamov Karimov.
Bref, on arrive enfin à Samarkand le jeudi 2 juillet et comme à Boukhara c’est repas, douche puis sieste. Entre les visites aux heures les plus fraiches, les siestes aux plus chaudes, les rencontres avec de nombreux cyclistes dont des retrouvailles avec Gökben et Nicolas, une petite tourista pour Charlotte et un anniversaire à fêter en avance, il y a de quoi passer plusieurs jours ici. Et lorsque tous les lieux touristiques sont visités, le bazar traversé de long en large, il reste une dernière option pour les plus téméraires : traverser une des portes du mur qui sépare le monde des touristes, et le monde des locaux. Attention âmes sensibles s’abstenir. De l’autre coté, point de rues aseptisées mais des allées sans revêtements, point de petit train, il faut marcher c’est horrible, et pire que tout, il y a même des ouzbeks, ou plutôt Tadjik car c’est un peu le bordel les frontières ethniques ici. Mais la chance doit être de notre coté, car on croise des gens sympathiques et souriants et on fait même une découverte surprenante, la fabrique de pain.
Les jours défilent et le visa Tadjik approche, il est temps de repartir. Le 8 juillet, jour particulièrement particulier pour moi et mes trente ans, on s’éloigne de Samarkand. Les routes ouzbeks sont toujours aussi mauvaises mais on retrouve enfin le plaisir de rouler dans des paysages un peu plus montagneux. Le mercure reste élevé et les arrêts en chaihana obligatoires. Le lendemain on fait la connaissance du seul cyclotouriste ouzbek, qui traverse son pays sur le vélo typique de la région : monovitesse et frein par rétropédalage. Malheureusement ça doit aussi être le seul ouzbek qui pense pouvoir impunément filmer Charlotte en pleine application de crème solaire et se prendre en photo genre j’ai-une-nouvelle-copine-aux-yeux-clairs-et-ça-c’est-trop-la-classe. On lui fait comprendre que c’est ma жена, et qu’il est temps pour lui de continuer sa route sans nous. De toute façon il est 10h du matin, c’est l’heure de la pause syndicale de huit heures minimum et ce petit coin à l’ombre à l’entrée de la ville Guzor fait parfaitement l’affaire.
A peine le temps de s’allonger qu’on nous invite à partager non pas une pastèque, ni une pomme d’ailleurs pour les plus perspicaces, mais un melon, autre fruit abondant et succulent de la région. Le melon se transforme en repas, sieste, repas encore, puis soirée, puis on ne va pas partir tellement ils sont gentils. Le grand père boucher, notamment, est très curieux et malgré la barrière de la langue on arrive étonnamment à communiquer et expliquer notre vie en France. Le lendemain matin on se réveille au son de la magnifique prière à moitié chantée du grand père qui entame les derniers jours de ramadan. Moment poétique dont on se souviendra longtemps. Au moins aussi longtemps que la mort de la vache, égorgée puis dépecée par la famille au bord de la rue devant la maison, et devant nous. D’ailleurs pour être certain de ne pas oublier on repart avec un morceau du foie encore bien chaud. Autant on s’est habitués et on apprécie même les morceaux de gras de moutons qui cachent le bout de viande, autant pour les abats c’est plus difficile. Mais impossible de refuser un tel cadeau, on essaye mais en vain. Un peu honteux, on abandonne le foie transpirant par 40 degrés à l’ombre dans son sac plastique noir au bord de la route, un peu plus loin à l’abri des regards.
La triste nouvelle c’est qu’on a également abandonné Kimamila, oublié sur un bas coté lors de la réparation d’une sacoche. Mais chuut, il ne faut pas le dire aux enfants. On essaiera de commander un clone dès que possible.
Les paysages sont de plus en plus exotiques. La police également, avec des moyens de dissuasions imparables mais bon marché. Pourtant à la vue des billets glissés par les automobilistes dans les poches des policiers lors des nombreux checkpoints ils auraient de quoi épaissir leurs moyens.
Le samedi 11 juillet, après avoir éclaté une pastèque offerte deux-cents mètres plus haut à cause de la qualité irréprochable des routes ouzbeks, on arrive dans le village de Boysun, où la boite aux lettres ne semble exister que dans l’imaginaire des habitants. Malheureusement il nous faut trente minutes et deux allers-retours en côte pour nous en rendre compte. Un énième « Откуда ? » finit de nous achever à midi en plein soleil. C’est Hossan qui sauve cette journée, en nous invitant à partager un repas, des bières et pas mal de vodka dès qu’il découvre notre voyage. A 16h, la tête qui tourne à cause du soleil bien évidemment, on quitte Boysun et sa poste fantomatique pour nous diriger encore un peu plus près du Tadjikistan.
A Denov, dernière grande ville avant la frontière on nous aide à trouver la boite aux lettres, on nous offre du pain, des melons et on se dégotte un chaihana à l’abri de la route principale, donc à l’abri des « Откуда ? », mais pas des moustiques. On dépense notre dernière liasse de billets de som ouzbeks représentant un maigre butin de quelques dollars, et on y passe la nuit toujours sur ces tables-lits dont on est fans.
Le lundi 13 juillet on n’est pas mécontent d’apercevoir la frontière. L’Ouzbékistan nous laisse de bons souvenirs notamment grâce à Boukhara et Samarkand, mais encore une fois surtout par la gentillesse des ouzbeks. Pourtant difficile d’oublier le mauvais état des routes, les champs sans fin où il est difficile de camper, les milliers de sifflement des gens juste pour leur faire coucou et les milliers « Откуда ?». La chaleur écrasante complète ce tableau éreintant. On quitte ce pays fatigués. Peut être aussi qu’après huit mois de voyage on a besoin de changement. C’est parfait, le Tadjikistan, son massif du Pamir et ses routes culminant au dessus de 4000 mètres nous attendent dès que ce garde frontière ouzbek aura fini de fouiller dans l’ordinateur à la recherche de photos et vidéos personnelles…
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Ah bien content d’avoir des nouvelles , c’est toujours aussi passionnant . vous avez chaud , nous aussi plus de 35 très souvent et le comble car on revient de notre ile d’Oléron ou il n’a pas fait plus de 24 cet été.
Las bas beaucoup de marché ou l’on trouve en échange de nos euros des choses en direct chez les producteurs locaux et beaucoup de poisson et oui nous sommes sur la cote atlantique ! Nous voici déjà en septembre en vous êtes encore loin de la France qui vous attend !
Alors tu charges trop les sacoches ? il faut les réparer ?
Et oui Charlotte pense à laver les fruits et légumes que tu manges !
Bises à vous deux
Corinne et Philippe
Nous voilà en Octobre et notre passage en Alsace touche bientôt à sa fin (On a quand même pris une semaine de plus que prévu). Les températures à notre retour à Osh semble encore clémentes mais nous allons bientôt traverser de hauts cols à nouveau. Winter is coming !
Des News!! Mais on commençait presque à s’inquiéter!
Ravis de constater que tout va bien ( en dehors de qq tracas digestifs ou de corruptions policières). Lorsque j’avais été en Ouzbékistan, les guides avaient été adorables.. Jusqu’au pourboire final .. à priori l’énorme montant donné ne convenait pas :/ ( gâchant légèrement ce voyage fabuleux).
On attend la suite avec impatience! Grosses bises à tous les deux.
Pas de quoi s’inquiéter , on se porte bien et on n’a pas eu besoin de vider nos poches ! On a de quoi continuer à voyager après notre bref (mais pas trop) retour en Alsace. Bientôt la Chine !
Gros bisous
J’avoue que j’attendais de vos nouvelles avec une certaine impatience, cela faisait longtemps…J’étais presque à deux doigts de vous adresser un petit mail pour savoir si tout allait bien!
Et je suis ravie de découvrir que vous continuez à profiter au maximum de vos aventures et du partage avec les gens que vous croisez.
Mes meilleurs pensées vous accompagnent,
Bonne route, au plaisir de vous relire très vite et BON ANNIVERSAIRE (même si la date est aujourd’hui passée)!
Merci beaucoup ! Même après la date , un “bon anniversaire” nous touche toujours !
Le prochain à fêter sera très probablement en Chine ! On a en tête des paysages fabuleux et des temples incroyables , on hate de découvrir ce pays !